Certes, il fallait être en Afrique du Nord pour voir la dynamique d’une Église qui rassemble plus de quatre-cents évêques. Mais l’histoire de la pensée chrétienne nord-africaine rencontre à chaque pas Saint Augustin dont, à l’égal de celle d’Aristote, toute doctrine invoque l’autorité pour s’établir ou pour se confirmer. Pendant plus de trente-cinq ans à la tête du diocèse d’Hippo Regius (l’actuelle Annaba), Saint Augustin n’a pas cessé d’écrire. C’est à partir de la fin des années 390 que paraissent, ou que sont simultanément commencées ses grandes œuvres. Saint Augustin est dès lors arrivé au sommet de son art ; il n’en descendra jamais. Il fut sans aucun doute le plus illustre représentant de la chrétienté dans l’Antiquité.
Né le 13 novembre 354 à Thagaste (l’actuelle Souk-Ahras), ce Nord-Africain d’origine appartenait à la petite bourgeoisie municipale atteinte par la crise économique du IVème siècle. Son père Patricius était païen, mais sa mère Monique avait embrassé, avec ardeur, le christianisme. Comme toute la jeunesse nord-africaine de son temps, il reçut une culture classique presque exclusivement latine.
Sa personnalité très brillante cachait une sensibilité ardente et torturée. Il s’intéressa à la philosophie, ce qui était devenu exceptionnel pour les rhéteurs de son temps ; la lecture de l’Hortensius de Cicéron causa sur lui une profonde impression et l’initia au platonisme. Sa religiosité inquiète le fit adhérer pendant plusieurs années au manichéisme. Déçu et fatigué du chahut de ses étudiants, il quitta Carthage où il enseignait la rhétorique pour l’Italie en 383 ; après un séjour à Rome, il s’établit à Milan où il subit l’influence de Saint Ambroise et fit connaissance avec la philosophie néoplatonicienne. C’est là qu’il se convertit au christianisme à l’âge de 32 ans.
De retour à Thagaste, il vendit les biens paternels et organisa, avec quelques amis, une sorte de communauté où il vécut dans l’ascèse et la méditation, décidé à renoncer au monde. C’est malgré lui qu’il fut ordonné prêtre d’Hippone et consacré, quatre ans plus tard, évêque de cette ville (395) où il devait siéger pendant trente-cinq ans jusqu’à sa mort dans la cité assiégée par les Vandales (430). Augustin fut donc un évêque et un homme d’action. Intellectuel, il sortit de sa tour d’ivoire et se consacra aux réalités quotidiennes et accablantes de l’administration de son diocèse ; il rendait la justice tous les jours.
La vie, les écrits et la personnalité de Saint Augustin ont fait briller d’un dernier éclat la romanité nord-africaine ainsi que la grande culture latine occidentale dont il sut recueillir et transmettre l’héritage.