Géopolitique du blé
Jadis élancés, les blés ont rapetissé. Pourquoi ? Parce que les variétés naines s’accordaient mieux avec les engrais à base de nitrates et de phosphates, matières à explosifs dont il fallait écouler les stocks accumulés durant la Seconde Guerre mondiale… Ces "petits blés" contiennent moins de gluten mais dotent celui-ci d'une élasticité renforcée que nous tolérons moins bien. Ce gluten tenace, niché dans de nombreux produits transformés, n'explique pourtant pas à lui seul l'épidémie actuelle. Les résidus grandissants de glyphosate, un herbicide, dans les aliments à base de céréales ont une part écrasante de responsabilité.
Le constat dressé par cette enquête, multipliant les éclairages de chercheurs, économistes, juristes, fermiers ou militants, laisse pantois : mainmise des multinationales sur les réglementations, modèle industriel favorisant les grands céréaliers, interdépendance des pays entravant la régulation… Contrainte d’importer une partie de son blé, l’Italie, qui interdit la dessication (prisé dans les pays froids, le procédé consiste à vaporiser l’herbicide juste avant la moisson pour faire mûrir les plantes artificiellement), a tenté d’indiquer sur les paquets de pâtes la provenance des grains. Le Canada a aussitôt déposé un recours au tribunal de l’OMC. Pointant les dérives mais aussi les avancées, comme le retour des variétés de blé anciennes en Sicile, un démêlage vigoureux de nos épis et des maux qui les rongent.