La cigale et la fourmi
À travers une image inédite, prise par mes soins dans ce jardin de mémoire que constitue l’Harmas, et qui évoque la fable célèbre de Jean de La Fontaine dont nous connaissons tous les premiers vers – « La Cigale, ayant chanté / Tout l’été, / Se trouva fort dépourvue / Quand la bise fut venue » – c’est l’occasion de célébrer la naissance de l’illustre et de s’intéresser à la fable que nous connaissons tous, première du premier recueil de 124 fables, divisées en six livres, paru en mars 1668.
Fabre consacra quelques écrits à cette fable, d’abord pour vérifier les aspects naturalistes qui y sont relatés, à savoir la frivolité de la cigale face à la laborieuse et industrieuse fourmi.
Il en proposa même une nouvelle version, bilingue français et provençal, Fabre étant aussi un félibre, c’est-à-dire un érudit dans la langue et la culture provençale. Son objectif ? Dissiper le malentendu du contenu naturaliste de la fable !
Sur cette image, on assiste à la rencontre entre une fourmi qui protège le végétal qu’elle exploite (recherche de proies et de pucerons à élever) et un grand insecte qui pourrait lui servir de nourriture. En aucun cas il ne s’agit d’une rencontre entre un insecte sérieux et responsable et un autre frivole.
Tous les deux sont dans la phase de leur vie qui implique de multiples interactions entre leurs congénères (la communication acoustique pour se reproduire pour la cigale et les autres organismes (la recherche de nourriture et de proies pour la fourmi). La différence de taille empêche la fourmi de s’attaquer à cette grande cigale, y compris avec des congénères.
Selon la réécriture de Fabre, la fable se transforme :
« Temps béni pour toi. Donc, hardi ! cigale mignonne,
Fais-les bruire, tes petites cymbales,
et trémousse le ventre à crever tes miroirs »
Les cymbales sont les organes abdominaux qui permettent l’émission de sons chez les cigales (ce qu’on nomme aussi cymbalisation). Les miroirs sont des éléments qui servent de résonateurs aux cymbales.
Fabre écrit encore au sujet de la cigale :
" Il m’indigne, le fabuliste,
Quand il dit que l’hiver tu vas en quête »
La cigale, en effet, meurt à la fin de l’été…
« Le majestueux problème des choses »
Le savant, tout entier dévolu à son travail et peu intéressé par quelconques honneurs, académiques ou autres, répond dans ses Souvenirs entomologiques à la question : « À quoi sert d’étudier le comportement des insectes » ? :
« Ici j’en vois qui haussent les épaules. Si l’unique but de la vie est, en effet, de gagner de l’argent par des moyens quelconques, avouables ou non, de pareilles questions sont insensées. Heureusement d’autres se trouvent aux yeux de qui rien n’est petit dans le majestueux problème des choses. Ils savent de quelle humble pâte se pétrit le pain de l’idée, non moins nécessaire à celui de la moisson ; ils savent que laboureurs et questionneurs nourrissent le monde avec des miettes cumulées. Laissons prendre en pitié la demande et continuons… »