Si vous avez un jour la chance de vous promener au cœur de la forêt amazonienne, vous verrez forcément cet éphémère flash bleu iridescent qui traverse le sous-bois. Vous venez d’admirer le vol du Morpho !
Dans le vert profond de la forêt et le rouge de la terre, on ne voit que ça. Pourquoi ce papillon parfaitement comestible a-t-il choisi de s’exhiber ainsi ? Dans ce cas précis, il s’agit d’un mâle qui signale sa présence à sa discrète compagne, cachée au sommet de la canopée. Chez les papillons, et particulièrement dans cet environnement chaud et humide, les signaux colorés constituent un des vecteurs de communication intra (au sein d’une même espèce) et interspécifique (envers d’autres espèces, proies ou prédateurs) les plus importants. C’est un jeu complexe où chacun envoie des messages à tout le monde, des informations véridiques, mais aussi trompeuses – des "fake news", dirait-on aujourd’hui.
L’interprétation de ces jeux subtils a été apportée par les savants explorateurs du XIXe siècle. Ceux-ci apportèrent beaucoup d’eau au moulin de Charles Darwin, leur contemporain, qui élaborait alors sa théorie de l’évolution des espèces. Ces jeux colorés sont en effet une magnifique illustration de l’évolution et de la sélection naturelle. Ces savants, Henry Walter Bates, Alfred Russell Wallace, Fritz Müeller, pour ne citer que les plus célèbres, ont parcouru l’Amazonie ou les forêts du Sud-est asiatique en tous sens et ont percé les secrets de ces échanges. Un classement des couleurs se met lentement en place, non pas en fonction de leur origine – nous verrons cela plus loin – mais de leur fonction.