Comprendre la formation des vagues,

et comment les surfeurs les domptent.

Vagues

Si vous choisissez, comme destination de vacances, la mer qui danse le long des golfes clairs, avec ses reflets changeants, témoins privilégiés des caprices du ciel, vous vous retrouverez sans doute à attendre qu’une vague vous emporte, avant qu’elle ne vienne s’échouer sur le bord. On en a tous fait l’expérience : rien de plus compliqué que de prévoir comment une vague va venir nous emporter ou comment sortir de l’eau une fois dans les flots impétueux.

Au moment d’apprécier l’ampleur d’une vague, pendant quelques secondes et de manière improvisée, on se transforme en physicien modélisateur d’un phénomène très complexe pour en prédire ses effets.

Les vagues sont des phénomènes naturels aussi spectaculaires que dangereux. La hauteur des vagues varie de quelques centimètres à 32,3 mètres pour la plus haute enregistrée par un instrument, voire plus de 34 mètres pour la plus haute vague observée visuellement.

Origine et nature des vagues

Une vague est une déformation de la surface d’une masse d’eau le plus souvent provoquée par un autre fluide : le vent. À l’interface, le vent crée des vagues sur les océans, mers et lacs.

tableau de naufrage avec des grandes vagues et un ciel de feu

D’autres phénomènes, beaucoup moins fréquents, sont aussi source de vagues : certains séismes, éruptions volcaniques ou chutes de météorites créant des vagues appelées tsunamis ou raz-de-marée. La marée est également à l’origine de vagues très particulières, appelées mascarets, de brusques surélévations de l’eau d’un fleuve ou d’un estuaire, provoqué par l’onde de la marée montante dans l’embouchure et le cours inférieur de certains cours d’eau, lors des grandes marées. Enfin, les navires sont aussi des sources de vagues.

Les vagues sont des ondes, c’est-à-dire des phénomènes qui se déplacent de manière périodique dans le temps (on parle de période) et dans l’espace (on parle de longueur d’onde). Elles peuvent se propager pendant des kilomètres avant de toucher terre, et gagner en force en fonction de la pente du sol océanique. Pour comprendre ce phénomène, il faut rechercher une modélisation physique de la vague.

Une brève histoire des vagues

L’astronome et mathématicien George Biddell Airy a fourni la théorie la plus simple pour des vagues régulières (périodiques). L’onde d’Airy possède une surface libre, la surface de l’eau, de forme sinusoïdale. C’est une vision très simplifiée de la réalité, valable pour des vagues de faible « cambrure », c’est-à-dire le rapport de la hauteur sur la longueur d’onde.

Si on regarde avec attention les vagues en mer, on constate que la plupart d’entre elles ne sont pas sinusoïdales : les crêtes sont plus pointues, les creux plus aplatis.

Mais ce qui est intéressant pour nous aujourd’hui dans la théorie d’Airy, c’est que les particules de fluide décrivent des ellipses presque fermées, dont la taille décroît avec la profondeur. On pense toujours à tort qu’un vague nous emporte : en réalité, si l’on nage en profondeur pendant la propagation d’une vague, on s’aperçoit qu’il y a un mouvement de va-et-vient, pas forcément intuitif du point de vue de l’expérience au quotidien mais bien mis en évidence par la théorie d’Airy.

 

En eau profonde, c’est-à-dire pour des profondeurs supérieures à la moitié de la longueur d’onde, ces ellipses sont des cercles. Le fait que les ellipses ne soient pas tout à fait fermées est une manifestation de la « dérive de Stokes ». Près de la surface libre, la vitesse d’une particule d’eau est plus importante sous une crête que la vitesse opposée lors du passage du creux suivant. Il en résulte une dérive dans le sens de propagation des vagues qui peut s’inverser en profondeur.

Déferlement des vagues à l’approche de la plage

Revenons à ce qui va nous concerner cet été : faire face aux vagues… dignement ! En fait, « s’approprier une vague », c’est comprendre son déferlement.

En effet, certaines vagues sont trop cambrées pour être stables : elles déferlent.

À l’approche d’un rivage, la profondeur diminue, la forme des vagues se modifie, d’abord de manière à peu près symétrique puis en général avec une face avant de plus en plus raide dès que la hauteur de la vague est du même ordre que la profondeur. Quand la vague se brise, l’essentiel de son énergie est dissipée en tourbillons et bulles d’air. L’impulsion associée contribue à accélérer le courant dans la direction du déferlement.

La forme d’un déferlement au voisinage du rivage dépend essentiellement de la pente des fonds. En allant dans le sens des pentes croissantes on distingue les plus souvent trois types de déferlement. Le déferlement progressif ou glissant se produit généralement sur les plages à très faible pente. Les vagues commencent à se briser loin du rivage avec une crête à l’aspect mousseux qui s’accentue lors de la progression en laissant derrière une couche d’écume.

Le déferlement plongeant est particulièrement spectaculaire avec ses rouleaux appréciés par les surfeurs. La vague s’enroule autour d’une poche d’air puis s’écroule en créant une éclaboussure notable. Cela tend à se produire le plus souvent sur une forte pente ou sur un changement brutal de la profondeur (un écueil), et c’est pour ça qu’il y a des « spots » appréciés par les surfeurs.

Tirer son énergie des vagues

Il y a beaucoup plus d’énergie dissipée que d’énergie réfléchie sur la plage. L’énergie dissipée à la surface de la vague qui s’effondre est bénéfique au surfeur qui peut l’utiliser comme source d’énergie cinétique : la vague lui apporte la dynamique nécessaire pour se déplacer, et réaliser les figures qu’il souhaite sur sa planche en mouvement grâce à la vague.

Le déferlement frontal ou gonflant se forme comme le déferlement plongeant mais la vague gravit la plage avant que la crête puisse s’enrouler. La zone de déferlement est très étroite et une grande partie de l’énergie est réfléchie vers les plus grandes profondeurs. Quand la crête va plus vite que la vague elle-même, une épaisse couche d’écume au sommet se forme au sommet. On parle alors de déferlement glissant, typique d’un rivage à faible pente. Ce type de déferlement désavantage complètement le surfeur puisque l’énergie est donnée aux profondeurs. Le talent du surfeur en tant que « physicien occasionnel » est de pouvoir reconnaître les types de déferlement à cet effet.

Il existe aussi un cas intermédiaire entre les déferlements plongeant et frontal. Au lieu de constituer un rouleau, la vague présente une face verticale avant de s’effondrer.

Les surfeurs sont souvent surnommés les « dompteurs » de vagues. Les bonnes conditions de vagues permettent une bonne pratique de surf (avec beaucoup de technique quand même !). Cela signifie de bonnes conditions de vent ou de houle, pouvant varier selon les lieux.

Les vagues creuses, avec un déferlement plongeant, sont les préférées des « shortboarders », qui utilisent des planches courtes. Les vagues creuses sont les vagues les plus puissantes, mais pas forcément les plus grandes. En effet, certaines vagues que l’on peut qualifier de creuses sont bien plus puissantes qu’une vague molle de la même taille. Le principe du shortboard (planche courte) est de permettre une pratique du surf plus « dynamique » avec des changements multiples de direction sur la vague pour réaliser différentes figures. Ceci est rendu possible avec une vague dont le déferlement est mieux contrôlé.

Finalement, un surfeur fait avant tout de la recherche appliquée discipline « bonnes vagues ».

De manière générale, que vous jouiez avec elles, que vous les contempliez ou les affrontiez, profitez de ces instants de liberté offerts par la Nature. Et souvenons-nous qu’il n’y a qu’une seule planète Terre pour passer de beaux étés !

Cet article a été écrit par , enseignant-chercheur en Physique, ECE Paris, pour le site The Conversation.

Date de dernière mise à jour : 27/07/2022

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